[Quatrième de couverture] Certaines propositions ne se refusent pas. Même lorsque vous êtes une très vieille eco-warrior acariâtre et à l’agonie, même si l’offre va à l’encontre de tous les idéaux que vous avez défendus pendant des années : le transfert de votre esprit dans un nouveau corps. Mais ce n’est pas n’importe quel corps qui attend Ann Kelvin, c’est celui d’un grand cachalot, un des derniers de son espèce…
Certaines propositions ne se refusent pas.
Surtout quand vous avouez en votre for intérieur un certain amour des cétacés et que celui-ci voisine pour le coup avec la science-fiction, comment diantre refuser ? La vieille anglaise et le continent n’est pourtant pas un roman à part entière mais l’une des nombreuses nouvelles de science-fiction qui donne son titre au recueil de Jeanne-A-Débats. Les cinéphiles auront remarqué le titre malicieux qui évoque un certain film de François Truffaut mais l’ambiance n’est guère au romantisme et à la passion.
Car à travers les 9 nouvelles de ce passionnant petit livre, c’est l’humanité dans ses moindres travers qui est disséquée méthodiquement. Les thèmes, toujours d’actualité, foisonnent et gardent une certaine amertume teintée d’ironie et d’humour noir, quand il n’est pas délicieusement décalé. On croisera ainsi la pêche aux baleines, l’extinction des espèces ou le clonage aussi bien dans La vieille anglaise et le continent que Paso Doble. On retrouvera la tyrannie des grandes puissances du passé (le nazisme dans Aria Furiosa !) comme du futur (la dérangeante et fascinante Gilles au bûcher). La surpopulation, la pollution et les épidémies (Stratégie du réenchantement, Privilège insupportable). Voire accessoirement une critique amusée des normes de la société (Saint-Valentin qui navigue en pleine fantasy déglinguée pour épingler à la fois un événement devenu des plus triviaux et… la société française bien embourgeoisée de Paris*).
Evidemment, toutes les nouvelles de La vieille anglaise et le continent ne sont pas forcément du même niveau et subjectivement, certaines vous marqueront plus que d’autres. La première, éponyme, a toutefois reçu le prix Julia Verlanger ainsi que le prix Rosny Aîné et de l’avis de beaucoup, c’est assez mérité. C’est aussi, il faut le noter, la nouvelle la plus « optimiste » de toutes avec Saint-Valentin. Vous voilà prévenus, vous qui entrez ici, abandonnez (presque) toute foi en l’humanité. Surtout si vous êtes fans de poney sauvages et bisounours multicolores.
Cela dit, si vous êtes prêts à en payer le prix et échanger un peu de votre âme avec ces écrits d’ailleurs postfacés par Jean-Claude Dunyach (« L’art du changement d’état » ou une bonne façon de proposer une synthèse de toutes les nouvelles dans un portrait caché de son auteure), nul doute que vous passerez un bon moment. C’est tout le mal que je vous souhaite.
(*) Si Claude Chabrol avait pu lire cette nouvelle de son vivant, nul doute qu’il en aurait volontiers fait un film.