Les lutteurs immobiles, de Serge Brussolo

Les lutteurs immobiles - Serge Brussolo afficheJ’ai trouvé à Chiang Mai, Thaïlande, Les lutteurs immobiles, de Serge Brussolo. Denoël, collection « Présence du futur », numéro 575, réédition 1997, couverture Stéphane Barry, toutes vos étoiles en poche. Charme suranné, couverture pas trop moche, pages jaunies, senteurs d’une vieille librairie poussiéreuse. D’ailleurs, les bouquinistes de Chiang Mai possèdent pas mal de vieux bouquins SF de cette collection. J’en ai récupéré quelques-uns, je vous en parlerai au fur et à mesure.

 

Un vieux Serge Brussolo, ça fait toujours plaisir. Sous sa plume, souvent des histoires absurdes, parfois déjantées, drôles et cyniques. Les lutteurs immobiles n’échappe pas à la règle. Dans un futur brussolien dystopique, David, peintre, tente de survivre tant bien que mal. La SPO, société protectrice des objets, lutte contre le gaspillage et la dégradation prématurée des objets. Toutes sortes d’objets. De la fourchette à la voiture, du peigne à l’aspirateur, de la chaise à la serpillère…

Bref, vous avez compris.

Tous les objets sont donc munis de capteurs reliés à des centres de contrôle et préviennent la police qui se déplace illico presto pour arrêter le coupable lors d’une dégradation prématurée. Les objets ont des visas d’utilisation légale à destination de l’utilisateur.

Utilisateurs qui sont sévèrement réprimandés lors de ces infractions. On parle, sans vraiment savoir, de disparitions, d’enlèvements et d’expériences bizarres. La femme de David, proche de dissidents qui luttent contre le pouvoir et vivent dans les bois, est accusée de trahison. Le peintre, au bout du rouleau, ne sachant que faire et incité à oublier et renier sa femme, se noie dans une bouteille de cognac. Ivre d’alcool et de haine, il débarque dans un magasin et saccage les objets. Il est arrêté et maîtrisé par la SPO.

A son réveil, il ressent des douleurs partout dans son corps et suspecte la SPO lui a mis quelque chose sous la peau. Il rencontre Kev Mathome, sorte de savant fou travaillant au gouvernement, en train de mettre en place une nouvelle expérience. Les délinquants seront désormais couplés aux objets grâce à un computer neuro physique. Le savant fou vise même à coupler ensuite toute l’humanité pour entamer une nouvelle ère qui fera oublier l’ère du « Grand Gâchis », du jetable, du consommable. Le principe est simple. Une personne couplée à son environnement en prendra soin, une personne couplée à sa voiture évitera les accidents désormais. Car la sentence pour dégradation de son objet est immédiate et ressentie physiquement dans le corps, en fonction de ladite dégradation. Piétiner un gazon, par exemple, équivaudrait à se retrouver avec quelques bleus sur la peau; Imaginez les mites dévorer le pull en laine ou détruire sa guitare sur scène. La douleur et la souffrance pour faire stopper le gaspillage. Selon Kev Mathome, les objets sont des combattants silencieux, inertes, des lutteurs immobiles qui vont maintenant pouvoir s’exprimer !

Pour en revenir à l’histoire, David est envoyé dans un camp où certains délinquants devenus cobayes expérimentent le couplage. Un village abandonné proche d’une autoroute, une quatre-voies désaffectée, du béton gris et terne, un univers fantasmatique proche de L’écrivain J.G. Ballard. Je vous laisse apprécier la découverte du village, de ses étranges habitants couplés à certains objets, notamment le fameux objet de David.

Paru en 1983, Les lutteurs immobiles est un livre toujours d’actualité de par sa thématique intemporelle. Gâchis et gaspillage, aujourd’hui obsolescence et obsolescence programmée, surconsommation, consumérisme. L’auteur utilise la dystopie pour mettre en exergue toute cette production aberrante d’objets. La surconsommation, et les déchets qui en découlent, augmentent sans cesse. On fabrique, achète, consomme, tout le temps. On veut tout, tout de suite. Maintenant ou à crédit.

Conclusion

Bien construit, le récit de Serge Brussolo est court, 200 pages, incisif et sans temps mort jusqu’à une fin plutôt réussie. Une lecture ou relecture plaisante !

 

Les lutteurs immobilesSerge Brussolo – Editions Denoël – Collection Présence du futur

profil GAzkarra

Le poulpe nantais

Après avoir baroudé de nombreuses années en Euskara (Pays basque), le poulpe nantais décide de s'installer en Bretonnie, afin de s'adonner à ses deux passions, les livres et la science-fiction. Travaillant dans le milieu du livre, il rédige dans le plus grand secret l'histoire galactique de l'univers en langue basque. "L'oeuvre de sa vie" précise-t-il.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.