Une bouche sans personne – Gilles Marchand

Une bouche sans personne affiche On a tous en nous une « forbidden planet ». Un jardin caché dans lequel on refuse d’aller chercher des choses enfouies sous la peau. La lecture d’Une bouche sans personne nous plonge dans l’intimité d’un homme et de son étrange cicatrice sur le visage.

 

Se cachant derrière une écharpe, sa vie est réglée comme du papier à musique. Comptable le jour, victime volontaire d’une routine insidieuse. Au café le soir, à refaire la vie avec ses amis : Lisa, la serveuse, Sam et Thomas. Accoudés au comptoir depuis des lustres, une intimité s’est créée entre eux. Un jour, l’homme à la cicatrice, pris d’un déclic intérieur, décide de plonger dans son passé, tel Zeno dans le livre d’Italo Svevo. Il va donc raconter une partie de son histoire. À ses amis d’abord, ensuite à un auditoire plus nombreux qui vient écouter cet incroyable et poignant récit. Ou est-ce le pouvoir d’imagination du lecteur ? Car Gilles Marchand instille de nombreux détails à la frontière de l’imagination, du rêve onirique. Et ce, par l’intermédiaire de Pierre-Jean, le fantasque grand-père de notre conteur. Grâce à Pierre-Jean, j’ai enfin appris l’origine des fameuses nouilles que nous mangeons régulièrement sur à peu près tous les continents, ici ou ailleurs.

« Cher Monsieur,

En réponse à votre appel d’hier, je vous adresse ces quelques informations. Les nouilles se récoltent dans des carrières. Ce que l’on appelle les carrières de nouilles. Il existe plusieurs gisements de par le monde. Une équipe de « nouilleurs » est chargée de la prospection. »

Ce récit, empreint tout du long d’une force poétique et surréaliste, prend sa force dans une très bonne construction narrative. L’histoire est rythmée, entre le grand-père, le narrateur, les lettres mystérieuses reçues par son ami Sam. Celles-ci sont envoyées par sa mère, normalement disparue. Là encore, l’échelle chronologique est chamboulée. Un roman dans la veine du réalisme magique, brisant la frontière des rêves et de la réalité, le Temps jouant un rôle important et abordant des questions intimes et douloureuses. Hommage à Jorge Luis Borges et Gabriel Garcia Marquez (un certain oiseau exotique). Au fur et à mesure de l’intrigue, nous rencontrons de singuliers personnages, des situations absurdes et des moments de rires simples et importants. Je vous laisse les découvrir. C’est une ode à l’imaginaire comme puissance évocatrice, une force réflexive sur le monde, la vie, l’Histoire et notre histoire personnelle. Le tout, servi par une belle écriture, riche et colorée.

« Je ne suis plus qu’une bouche, une espèce de lien avec un autre temps qui se dépossède de ce qu’il a sur le cœur. »

Conclusion

Une bouche sans personne a donc été une très bonne lecture. Je l’ai lu sur la route entre Moscou et Oulan-Bator. Je le laisse en Mongolie, espérant qu’il trouvera son futur lecteur, car ce livre est un petit trésor. Beau dans une mise à nu certaine de l’auteur, poétique, drôle, douloureux, et en même temps plein de vie.

Une bouche sans personne – Auteur : Gilles Marchand – Edit : Aux Forges de Vulcain – sorti en août 2016

Notez aussi que le nouveau roman de Gilles Marchand, Un funambule sur le sable, est à la vente depuis le 24 août 2017.

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Le poulpe nantais

Après avoir baroudé de nombreuses années en Euskara (Pays basque), le poulpe nantais décide de s'installer en Bretonnie, afin de s'adonner à ses deux passions, les livres et la science-fiction. Travaillant dans le milieu du livre, il rédige dans le plus grand secret l'histoire galactique de l'univers en langue basque. "L'oeuvre de sa vie" précise-t-il.

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